Accompagner les travailleurs handicapés dans leurs démarches auprès de la MDPH ou l’Assurance maladie, les aider à avoir une vie sociale en dehors de l’Esat ou à trouver un logement, telles sont les missions d’une assistante sociale en Esat. Mais comment les exercer dans un contexte d’inquiétude sanitaire et d’incertitude économique, créé par l’épidémie de Covid-19 ?
Anne Bornert, Assistante sociale, à l’Esat Travail & Espérance, à Mundolsheim dans le Bas-Rhin, revient avec nous sur son expérience à l’issue d’une année si particulière.
Malgré la crise sanitaire qui nous a bousculé ces derniers mois, comment avez-vous continué à accompagner les travailleurs ? Comment avez-vous organisé votre activité pour garder le lien avec eux ?
Pour le premier confinement, tous les travailleurs sont restés chez eux, mais il était important pour nous que l’ESAT continue de fonctionner avec les moniteurs pour assurer les prestations auprès de nos entreprises clientes, notamment l’activité de blanchisserie pour les EHPAD et les foyers.
Pour le suivi de l’accompagnement, on a distingué entre les travailleurs qui ont un soutien familial et ceux plus isolés. Pour ces derniers, des coups de fil étaient passés quotidiennement pour garder le lien et savoir comment ils allaient psychologiquement et s’ils avaient besoin d’aide pour les courses par exemple.
Pour le déconfinement en mai, on a priorisé le retour à l’ESAT des travailleurs qui étaient le moins en danger médicalement et ceux qui avaient été le plus fragilisés par l’isolement.
Pendant le reconfinement, la situation a été moins compliquée car la majorité des travailleurs ont pu rester en poste.
Quelles sont les difficultés que vous avez observées chez les travailleurs pendant ces périodes de confinement et de reconfinement ?
Beaucoup d’angoisse, surtout au premier confinement. Il a fallu bien expliquer la situation et l’importance des gestes barrières sans dramatiser.
De façon générale, ça s’est bien passé. Sur 120 travailleurs, seulement deux ont dû être hospitalisés.
Le nombre des travailleurs infectés par le virus de la COVID a été très faible, contrairement à nos inquiétudes quant aux difficultés des travailleurs à bien intégrer les gestes barrières. Le risque de contamination dans les transports en commun ou dans les foyers représentait aussi une source d’inquiétude.
Aujourd’hui, les travailleurs de l’ESAT ont pris le pli et ces nouvelles règles sont devenues une habitude pour eux aussi bien dans l’ESAT qu’à l’extérieur.
Lors du reconfinement fin 2020, l’impact sur la santé mentale des travailleurs a été moindre car ils ont pu pour la plupart continuer à venir travailler à l’ESAT. Et ainsi garder un lien social et une vie quasi normale. A vrai dire, ce sont plus les parents qu’il a fallu rassurer !
Après bientôt un an de crise sanitaire, quel est votre ressenti en tant que professionnel sur cette période inédite que nous vivons ?
Pour moi, on en est qu’au début en termes de conséquences. Dans l’exercice de mon activité, je remarque dans la population générale une augmentation des dépressions, moins chez les travailleurs qui ont du mal à se projeter. Je sens une lassitude, quand tout ça va finir ?
En raison de l’annonce de licenciements dans certains secteurs, j’observe aussi des inquiétudes en termes économiques. Le risque pour l’ESAT est une baisse d’activité liée à la perte de marchés et l’absence d’opportunité pour de nouveaux contrats.
En 2021, la question ne sera pas comment vivre avec les gestes barrières, mais comment vivre avec le virus sur le long terme ? Nous aurons de nouveaux défis à relever, à commencer par celui de la vaccination. Le rapport aux soins pour les travailleurs est souvent compliqué. Il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie pour leur expliquer l’importance et l’utilité de la vaccination dans la lutte contre ce virus.