« Les crises permettent de mettre en exergue les points forts et faibles de chacun ! Ainsi, les équipes de notre I.M.E. et l’ensemble des associations du département ont démontré leur capacité de réaction, d’adaptation et de mobilisation.

En revanche, ce qui a pêché durant toute la période, c’est l’absence d’information et d’accompagnement spécifiques pour les I.M.E. Nous avons dû nous débrouiller par nous mêmes au mieux. »

Cela fait un an que la crise sanitaire est entrée dans nos vies et qu'elle continue à impacter de façon inédite l’ensemble des professionnels du secteur médico-social. Les I.M.E. (Instituts Médico-Educatifs) ont pour mission d’accueillir des enfants et adolescents atteints de déficience intellectuelle, quel que soit le degré de leur handicap. La Covid-19 a bouleversé tous les repères de ces jeunes et de leurs familles. Du choc à la résilience, Franck Auffret, Directeur de l’I.M.E Beaumesnil dans l’Eure en Normandie, nous livre son témoignage.

Comment les enfants et leurs parents ont traversé cette crise sans précédent ?

La période a été particulièrement compliquée pour les enfants dont les parents sont eux-mêmes en difficulté. Il y a eu des situations familiales parfois explosives.

C’était aussi stressant et fatigant pour certains parents dont les enfants ont des handicaps lourds. Pour les aider, nous avons gardé le lien avec des contacts téléphoniques journaliers, et certains professionnels de l’I.M.E. ont pu se rendre à leur domicile.

C’est pourquoi, alors que l’ARS (Agence Régionale de Santé) préconisait une réouverture d’abord de l’accueil de jour de l’I.M.E. en juin, nous avons fait le choix de commencer par l’internat pour reprendre les jeunes qui devaient absolument quitter un environnement inconfortable pour eux.

Sur le coup, c’était difficile de savoir ce que les enfants et adolescents comprenaient de la situation. Mais aujourd’hui avec le recul, nous observons qu’ils ont su faire preuve de résilience.

Comment vous organisez-vous depuis la rentrée de septembre ?

Tout le monde est en présentiel, jeunes et professionnels. Toutes les activités ont repris. Il n’y a pas de dispositif d’accompagnement numérique particulier. 

Le port du masque est obligatoire pour les professionnels et l’application des gestes barrières est de mise. Toutefois pour certains jeunes qu’il faut aider pendant les repas, la distanciation physique est impossible. De même, à l’internat, les jeunes ne peuvent pas vivre confinés en permanence dans leur chambre.

Dans un contexte mouvant, nous devons constamment nous interroger sur notre pratique en pesant la balance "bénéfices - risques" et nous réinventer selon les besoins.

Ce qui est le plus difficile pour les équipes de l’I.M.E., c’est la communication. En effet l’essentiel de celle-ci passe par les expressions du visage. Cela est encore plus gênant avec les enfants malentendants qui ne peuvent plus lire sur les lèvres. L’usage des masques transparents ou de visières ne s’est pas révélé concluant. Voir des adultes au visage déformé à travers du plastique les effraie plus que ne les rassure.

Quel bilan faites-vous de cette année intense ?

Les crises permettent de mettre en exergue les points forts et faibles de chacun ! Ainsi, les équipes de notre I.M.E. et l’ensemble des associations du département ont démontré leur capacité de réaction, d’adaptation et de mobilisation.

En revanche, ce qui a pêché durant toute la période, c’est l’absence d’information et d’accompagnement spécifiques pour les I.M.E. Nous avons dû nous débrouiller par nous-mêmes au mieux. Un an après, nos structures doivent toujours faire des choix, seules.  En tant que directeur, je prends les décisions avec mon équipe, le Conseil d’administration de l’Association et surtout très peu d’éléments d’information. Quand il a fallu fermer pour le premier confinement, c’est moi qui ai dû faire des arbitrages, et c’est également moi qui ai décidé du moment et de la façon de rouvrir l’établissement. J’ai validé seul le protocole sanitaire de déconfinement pour l’établissement, puis celui en cas d’infection à la Covid des enfants et adolescents imaginé par nos équipes.

Encore aujourd’hui, je regrette que l’accès aux tests dans l’I.M.E. et à la vaccination des professionnels, soit compliqués…